samedi 27 mars 2010

C'est de nos corps dont je te parle (2 sur 3)




Il y eut des élancements, tu t'en souviens, des raideurs et des génuflexions imposées.
C'était révérences contre révérences, dans un monde à jamais cloisonné, on aurait dit des prisonniers, des clones de Chaplin des Temps Modernes. Rèsonnaient les ritournelles sinistres des fiefs abandonnés reconvertis en espaces culturels, Trucks, Saviem, RVI, SMN, Jaeger, Blaupunkt, Valéo, une armée de 20 000 soldats, du temps où les manifestations se clôturaient à coups de nerfs de bœuf, avant le temps des ballons d'une fête décérébrée et désenchantée.
La fierté était une victoire secrète gagnée de haute lutte méconnue de tous.
C'était alors le corps contraint, plié, ployé, les chantiers en joug contre les Turcs, le sel de mer qui ronge la peau, à secouer les poches pour les ostréiculteurs, le maraîchage, pour les endives et les carottes, les grottes souterraines de Fleury, anciennes carrières de pierres, puis anciens abris antiaériens, aujourd'hui théâtre pour les champignonnières, où encore, l'humidité qui gagne, celle qui décape.
Le ramassage des pommes qui casse les reins.
L'ère « du bagne et de la galère réunis » était arrivée.
Nous quittions les villes au petit matin, pour arriver sur les quais d'embarquement, étrange frontière où nous montrions nos badges, pour être enfournés dans des camionnettes roulant les 700 mètres jusqu'au ferry, et il fallait ajouter une demie heure de transit glacé à notre heure de trajet dans la nuit blême.
Nous nous tenions au presque garde à vous en haie d'honneur pour les passagers nous ignorant, et nous nous entrainions à devenir invisibles, tels les cordages lovés sur le quai.
Le ferry vidé, le combat pouvait commencer.
Nous courrions dans les coursives où nous ne pouvions nous croiser que de profil, nous entrions dans la cabine meublée de quatre lits superposés, et nous plongions dans le cabinet de toilette. Il convenait de savoir se mettre à genoux plus vite qu'à son tour, nettoyer le carrelage, pulvériser le produit du sol au plafond, sécher au chiffon qui sèche, désinfecter au chiffon qui désinfecte, astiquer les WC, changer le papier toilette, les gobelets, la savonnette, vérifier le rideau.
Le mot d'ordre était « pas de poil, pas de goutte ». Nous avions trois minutes pour faire le cabinet de toilette.
D'autres pendant ce temps, faisaient les bannettes – changeaient les draps – et passaient l'aspirateur.
Rappelle toi, les genoux qui doublent de volume, les bras envahis par les fourmis, les épaules qui tirent, la tête qui cogne, la chaleur, les six kilos perdus le premier mois.
Les mains rougies et crevassées, des ongles de bêtes au pré, les cheveux collants, la sensation de souillure, l'odeur de peine et d'effort.
Nous faisions à plusieurs une heure de route, pour une demie heure de transit aller et une autre retour, une autre heure de route, et à la fin, une heure de travail, six jours par semaine, repos le mercredi, 250 euros par mois.
La tartine dans la poche, et on retarde le moment de la manger, on l'émiette, on y pense.
Les cigarettes servent de coupe faim, de révolte pitoyable, d'écran contre la nuit, et les embrasements des muscles étaient là pour nous remémorer notre corps de supplice.
Équipe de la fin de la nuit, équipe du soir, le temps est haché et autiste et on ne sait plus si on a faim ou sommeil.
Nous avions alors une obligation d'effacement, sempiternels fantômes, la vie devait se dérouler comme si nous n'étions pas, et laisser pour les autres du neuf en permanence, du propre et du vierge.
Tels des stigmates honteux, nous essayions de cacher la rébellion musculaire, de retrouver haletants le rythme disparu d'une journée hachée entre les chantiers dispersés aux quatre coins d'une ville indifférente.
Dans un monde de jungle, jamais pacifié, nous vivions le temps du corps volé.



Florence Aubenas a écrit "Le quai de Ouistreham", Editions de l'Olivier, 19 euros.
A lire d'urgence, surtout si l'on croit qu'il n'y a plus de lutte des classes.

65 commentaires:

Didier Goux a dit…

Tout cela n'excuse pas votre : « C'est DE nos corps DONT je te parle »...

Audine a dit…

Faut dire comment ??
Déjà j'ai du mal avec "je me souviens de / les" "je me rappelle de / les" alors les DE ... DONT ...

Allez, dites moi ... :)

Suzanne a dit…

Audine, pourquoi pas QUE, tout simplement ?

Sinon, je n'ai pas compris si ce second texte était de vous ou de Florence Aubenas.

Audine a dit…

Suzanne : QUE où ???
C'est de nos corps que je te parle ??
Ca me fait bizarre (littérairement parlant).
En fait, j'aurais du mettre "je te parle de nos corps" et puis voilà, mais ça me semblait moins "fort".

Sinon, bien sûr, ce second billet est de moi, (j'aurais mis des guillemets partout, comme pour "le bagne et la galère réunis", mots qui sont d'elle), après lecture et digestion de son livre.
C'est, comme on pourrait dire en peinture, une libre interprétation ...

Suzanne a dit…

Audine: C'est nos corps dont je parle, ou c'est de nos corps que je parle, il me semble à l'oreille.

***

Donc, vous recommandez ce livre ?

Les pommes qui cassent les reins... Les pommes tombées surtout, dites "pommes à compote" qu'on ramasse en dernier quand il gèle déjà, dans le brouillard, au petit matin.
Regrettez-vous d'avoir fait ces petits boulots ?

Suzanne a dit…

(je corrige mes deux questions: je voulais dire "vous recommandez ce livre..." dont j'ai vu beaucoup de critiques négatives sur le thème de l'apitoiement venu d'en haut.

Tiens, je vais vous écrire une histoire à propos d'un travail difficile. Je m'y mets ce soir.

Didier Goux a dit…

Suzanne a entièrement raison dans ses deux propositions :

1) C'est de mon corps que je te parle
2) C'est mon corps dont je te parle.

Petit procédé mnémotechnique pour la prochaine fois : simplifiez à l'extrême ce que vous voulez dire. Ici : Je te parle de mon corps. Vous voyez bien qu'il n'y a qu'une préposition (de), alors que dans votre phrase la même fonction est exprimée deux fois (de... dont...).

Même chose lorsqu'on écrit "là où" (c'est là d'où je viens) à la place de "là que" ou de "où" (c'est de là que je viens, c'est d'où je viens). Mais tout cela nous entraîne un peu loin...

Audine a dit…

D'accord Didier, merci !!
Je vais me noter ça dans un coin.

Suzanne : je n'ai pas fait ces boulots là. J'ai extrapolé à partir de ce qu'écrit Florence Aubenas.
J'ai aussi entendu des critiques fort élogieuses ...
Les critiques négatives sont un peu de mauvaise foi : bien sûr qu'on n'abandonne jamais ce qu'on est ...
En tout cas, il est vite lu : vous m'en direz ce que vous en avez pensé ??

cultive ton jardin a dit…

Ma foi, j'ai travaillé un mois, un tout petit mois, sur une chaîne, à l'emballage des biscuits Brun.

C'est vrai que c'est la première et la seule fois où tout mon corps (et mon esprit aussi) étaient littéralement vampirisés par le boulot.

Quant au livre d'Aubenas, je l'ai retenu chez mon libraire, j'attends. Je suis étonnée (mais pas tant que ça) qu'on parle très peu de son contenu et beaucoup des à-côtés.

Preuve s'il en était besoin que le contenu est MAJEUR.

cultive ton jardin a dit…

Ah, et puis: il est exact que la formulation "c'est de nos corps dont je te parle" est grammaticalement incorrecte (pléonasme).

Pourtant, je la préfère aux deux autres, je saurais pas vraiment dire pourquoi. Plus de force, je pense (c'est le rôle des pléonasmes en littérature). Plus agréable à l'oreille, plus équilibrée aussi.

gilles a dit…

Le corps est pris ici comme un terme générique et nom pas comme le corps de quelqu'un en particulier.

On dira "C'est de poulet dont j'ai envie" quand poulet est pris au sens générique (n'importe quel poulet pourvu qu'il ait gout de poulet)

On dira "C'est le poulet dont j'ai envie" en désignant un poulet en particulier sur un étalage par exemple.

Si j'ai bien compris le sens du texte d'Audine, il faut effectivement dire <C'est DE nos corps DONT je te parle »

Duga

Audine a dit…

Cultive ton Jardin : Oui, le sujet du livre d'Aubenas est majeur.
Je trouve que mettre en scène nos corps soit en le "déréalisant" (les images sur papier glacé) soit en le "prostituant" (les "jeux" de la téléréalité) fait oublier qu'ils sont objet de fête, d'exploitation, et même de vieillissement ... questions bien plus politiques, finalement. Majeur donc de rétablir nos corps dans la réalité.

Effectivement, la syntaxe faisait écho à cette préoccupation, merci de l'avoir perçu !

Duga : bien sûr, tu as très bien compris !!


J'étais presque prête à changer le titre, mais après vos commentaires, Cultive et Duga, je n'en suis que plus décidée à le garder.

Suzanne a dit…

Gilles Duga: je vais pinailler, mais mettriez vous votre main à couper pour ce que vous dites là ?
Est-ce qu'il y a une règle explicite, des exemples ?

gilles a dit…

Chère Suzanne, je ne peux absolument pas prouver ce que j'avance et j'ignore si il y a une règle qui se rapporte à cette formulation.
Pour ma défense, et vous allez voir que mon argument est faible, il faut que vous sachiez que je suis incapable d'énoncer la moindre règle d'orthographe.
Et pourtant, bien que ce soit très éloigné du métier que j'ai exercé, j'ai toujours été sollicité pour corriger toutes sortes de textes et ceux qui ont fait appel à mes services ne l'ont jamais regretté.

De plus, je me fie énormément à l'oreille.
Et les 2 formulations suivantes :
1) C'est de mon corps que je te parle
2) C'est mon corps dont je te parle.
sonnent tellement mal que je doute fort de leur orthodoxie.
La première relève typiquement de ce que l'on nomme "le langage parlé". Et le langage parlé a pris une telle ampleur de diffusion, y compris de la part des journalistes, que l'on finit par croire que ce langage relève de la bonne langue.

Il en va de même avec la confusion des mots. Exemple typique : celui du "magasin bien achalandé".
99% des gens vous diront que c'est un magasin rempli de marchandises, alors que cela signifie que le magasin est beaucoup fréquenté par des clients (chalands).

Tout cela pour dire que je ne vous apporte aucune preuve formelle. Je n'en mettrai pas moins ma main à couper.

Duga
Un gant à vendre

Suzanne a dit…

Gilles: J'ai vérifié dans les grammaires et dictionnaires, je n'ai pas trouvé mention de votre règle.
Je reste donc sur ma position et maintiens que la formulation est erronée, et que c'est dommage pour un titre surtout. (Viens te battre si t'es un homme)

Audine a dit…

Mais enfin, c'est fini de vous chamailler, vous deux ?!
Le principal, c'est que l'on comprenne ce que j'ai voulu exprimer !
(et moi, je le trouvais très bien exprimé comme ça)
(d'abord)

Didier Goux a dit…

Gilles : tout faux ! Consultez un orthophoniste d'urgence. Ou arrêtez, de grâce, d'accepter les travaux de correction que l'on vous propose.

(Et vous venez de perdre une main : c'est malin !)

Didier Goux a dit…

Gilles-bis : pour "achalander", vous avez raison... même si Proust l'emploie fautivement dans La Recherche.

(Plus snob que moi, tu meurs...)

Didier Goux a dit…

Audine : NON ! Le principal n'est pas que l'on comprenne ce que vous avez voulu dire ! Enfin, si, d'accord, si vous voulez, et parce que vous avez dit une chose très simple. Mais les règles de la langue sont aussi là pour lever le maximum d'ambiguïtés, éviter les fourvoiements lorsque le discours se fait plus subtil, plus ardu.

Et puis, il est bon d'opérer ce "détour par la langue", de prendre le temps et la peine de se plier à elle. au moins pour l'élégance de la chose.

Audine a dit…

Didier, oui je suis d'accord, sur l'importance, la place des mots, de la langue, (d'ailleurs, beaucoup de blogueurs sont amoureux des mots ... tous ces échanges le montrent aussi) mais comme vous le soulignez, je dis des choses très simples. Je ne manie pas des concepts philosophiques élaborés. Pour ce type de texte, comme d'ailleurs pour beaucoup de textes que j'écris, il m'importe plus d'exprimer vraiment ce que je veux dire, quitte à passer par un certain (mauvais) traitement de la langue.
Je voulais insister lourdement sur le fait que le Corps (celui de tout un chacun) est concerné.
C'est réussi, n'est il pas ? :)

Suzanne a dit…

Audine: oui, on comprend bien que vous parlez de vos corps, ceux-là même dont vous parlez ! (il n'y a pas de problème de sens)
Mais il n'y a pas non plus à être d'accord ou pas d'accord sur des règles de grammaire: il suffit, si on a un doute, d'une petite recherche sur Google, qui vous emmène tout droit aux sites ad hoc qui regorgent de règles et de mains coupées.
Où alors, on déclare qu'on s'en fiche, mais on ne prétend pas avoir raison. Il n'y a pas de grammaire individuelle.

Suzanne a dit…

(oh, zut, je ne voulais pas asséner marteler péremptoirer ergoter, trop tard.

Audine a dit…

S'pèce de ergoteuse que vous êtes alors !

Bon, ok, en fait je m'en fiche.

gilles a dit…

@ Didier Goux
C'est vrai Didier, faut que je pense à garder une main pour me battre avec Suzanne.
@Suzanne
Suzanne à laquelle il me semble avoir dit que je n'avais AUCUNE preuve de ce que j'avançais et que je ne connaissais AUCUNE règle de grammaire. On ne peut être plus clair et plus humble non ?
Je ne me fie qu'à mon oreille et à mon intime conviction.
Par contre, si Suzanne connaît l'adresse Internet où une règle est énoncée, règle qui corresponde très exactement au cas de figure soulevé par Audine, je suis preneur. Je ne demande qu'à voir et pour l'instant, je n'ai rien vu.

Si elle connaît un site où on dit comment recoudre une main, ça m'intéresse aussi.

Duga
Coupe la langue

Audine a dit…

Voilà c'est malin maintenant, faut tout recoudre Duga.

Didier Goux a dit…

Audine : bon, du coup, me voilà presque gêné du torrent de commentaires provoqué par ma petite remarque en passant...

Gilles : ne dites pas de bêtise : si vous ne connaissiez AUCUNE règle de grammaire, vous seriez tout simplement dans l'impossibilité de construire la moindre phrase. Dites que vous ne pouvez ÉNONCER aucune règle de grammaire, à la rigueur, ce sera déjà plus proche de la réalité (quoique sans doute faux aussi).

Audine a dit…

Didier : non, non, ne soyez pas gêné !! Au contraire, je suis bien contente de ces échanges (même si je ne souhaite pas que Duga soit tout décousu), ça met de la vie !

Dorham a dit…

Bon, une règle principale de vie, enfin, d'espérance de vie. Arrêtez donc de faire chier Duga où vous allez tous finir dans une boite en sapin des Vosges... (vont me dire que y a pas de sapin dans les vosges). (s'y sont intelligents, vont me dire qu'on y finira tous...)

Plus sérieusement : fuck la grammaire ; nique Proust.

La langue est faite pour être martyrisée. Nan ? Bon, enfin, la sonorité a une importance, une règle peut être affreuse et la langue, c'est aussi et surtout, et même exclusivement une musique.

Remplaçons par exemple "nos corps" par "toi". On dira, "c'est de toi que je parle", "c'est de toi que je te parle ?" ça sonne zarbi, cette deuxième proposition non ?

Dorham,
a-du-fil-pour-Duga

Dorham a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Suzanne a dit…

Ben, pareil, je laisse tomber après ce commentaire; je voulais juste proposer la formulation correcte à Audine.

Dorham: je n'ai pas remarqué sur votre blog que vous fuckiez la grammaire et niquiez Proust.

Duga: même remarque que Didier. Il n'y a pas d'abord la grammaire et ensuite la langue parlée, mode d'emploi du mecano et réalisation en mecano. Les linguistes considèrent qu'un enfant de sept ans est représentatif de sa langue. Il n'est pas idiot de dire "il a pleuvu" ou "les chevals", mais par convention, on ne le dit pas. Dans un siècle ou trois ou quatre,l'usage sera peut-être différent, les dictionnaires s'adapteront.
Vous énoncez une règle qui n'existe pas, et vous me dites que mes exemples sont fautifs.

Tapez "dont" dans Google, ou "dont relatif grammaire" et vous aurez beaucoup d'exemples et d'exercices. Maintenant, si les dictionnaires ne sont pas vos amis, que vous n'avez pas envie de suivre les règles du jeu et que vous tenez à inventer vos propres règles, je peux avoir tort mille fois, suivant votre bon plaisir...

Dorham a dit…

Suzanne,

rooo, si on peut plus blaguer...

Suzanne a dit…

Non, môssieur Dorham, non. On ne blague pas avec ces choses-là. Jamais.

Dorham a dit…

Et sur R. Camus, on peut blaguer, parce que j'en garde une depuis que je sais qu'il est à cheval sur le "Monsieur" du "Bonjour Monsieur"...mince, je crois que je viens de l'éventer...oh lala !

gilles a dit…

@ Didier Goux

Exact. Je suis incapable d'énoncer les règles. Cela m'impressionne toujours d'entendre des gamins réciter à fond la caisse les règles des accords du participe passé. Je ne fais qu'appliquer par une sorte d'habitude intuitive celles que j'ai apprises il y a très très longtemps.

@ Suzanne

J'ai tapé cette requête sur Google et lu les 20 premières URL. Je n'ai rien trouvé de strictement homologue à la phrase d'Audine (dans la construction bien sûr).
Ni rien trouvé qui infirme ou confirme la construction que je soutiens.
Mais puisque vous en avez trouvé une, fournissez-moi le http//... qui infirme ce que je soutiens...intuitivement.
Il n'est aucunement question de "bon plaisir". Il m'importe seulement d'être convaincu par la preuve que je fais fausse route.
Une fois de plus, je n'énonce aucune règle. Ce serait très paradoxal de ma part, sachant que je suis incapable d'énoncer toutes les autres.
Et puis restons de bonne humeur. Nous ne sommes pas chez nous mais chez Audine qui abrite avec bienveillance la fausse querelle qui nous met provisoirement en relation.

@Dorham
Merci pour le fil.Je n'ai plus qu'à trouver l'aiguille sans faire du foin.

Duga
De fil en aiguille

Didier Goux a dit…

Dorham : bon, je ne suis pas le taulier, mais, de mon point de vue, on peut !

Suzanne a dit…

Cher Gilles:
Je comprends qu'avec une seule main, il vous soit difficile de taper au clavier et de cliquer.
Ne reculant devant rien, j'ai embauché trois secrétaires . Ce n'est pas de leur corps que je vous parlerai, bien que le plus beau des trois déchire sa race avec ses épaules noueuses et ses longues mains (deux) bien en place et tout le reste aussi. Voilà pourquoi j'ai tardé à vous répondre, je sais que vous me pardonnez.
J'ouvre donc les fichiers que ces drôles m'ont collecté, et qu'y trouvé-je ?

"C’est de ça que je parle ou est-ce c’est de ça dont je parle ?

Normalement on a le choix entre :

1. C’est de ça que je parle
2. C’est ××× ça dont je parle.
[××× correspond à l’absence de de].

On observe pourtant dans la langue orale (y compris chez ceux qui emploient un oral surveillé) une tendance à doubler la construction indirecte : C’est de ça dont je parle.

On regarde cette construction comme grammaticalement erronée.

« Ne pas employer dont après c’est de. Ne pas dire : C’est de toi °dont on parle, mais C’est de toi qu’on parle. »

L’erreur vient sans doute de l’interférence entre un gallicisme — une construction propre au français qui permet la mise en relief par C’est ... que (ou qui) — et la présence d’une construction indirecte. Le mur du fond s’est fissuré hier devient C’est le mur du fond qui s’est fissuré hier, voire (si l’on insiste sur le moment) C’est hier que le mur du fond s’est fissuré.

Quand le verbe se construit avec un complément indirect (un nom précédé d’une proposition), cette construction ne devrait apparaître qu’une fois :

* « Monsieur l’expert, c’est du mur du fond qu’il est question. » (=Il est question... du mur du fond.), ou
* « Monsieur l’expert, c’est le mur du fond dont il est question. »

Cet article vous convient-il ?

Suzanne a dit…

(Dorham, je ne vous réponds pas. Si vous traitez mes écrivains, je traite votre Elvis Priesley)

Audine a dit…

Suzanne : je ne vois pas du tout ce que vous avez après mes murs, comme ça ...

Duga : moi aussi j'aime bien les intuitions.

Dorham : je suis sûre qu'en cherchant bien, on peut en trouver une pas éventée ... :) r'garde :

Didier : même si on dit qu'il est ridicule quand il pose à poil dans sa bibliothèque ???
(houlà)

Suzanne a dit…

Houla, Audine, vous jouez avec le feu...

Audine a dit…

(je ne peux pas m'en empêcher ... mais je ferais mieux d'écrire la 3e partie, ceci dit !)

Suzanne a dit…

Audine, avez-vous lu l'explication ? (cliqué sur le lien) ?

Fleur d'hiver a dit…

J'ai travaillé en usine dans ma jeunesse. Dans une, en particulier où, grâce à un déménagement je ne suis restée qu'un mois, c'était un véritable bagne.

Il fallait manipuler des pièces au filetage coupant, avant de travailler nous devions nous emballer les doigts avec du sparadrap, car aucun gant ne tenait le coup. Il fallait travailler à toute vitesse, car nous étions payées à la tâche. Chaque pièce demandait quatre gestes, il fallait pour atteindre le smic horaire en manipuler plus de mille en une heure. Le patron était un fou qui sirotait des bières toute la journée et nous hurlait dessus sans arrêt...

Ces trois semaines sont restées dans mon esprit comme un avant gout de l'enfer.

Fleur d'hiver a dit…

Je suis un peu surprise que le livre de Florence Aubenas déclenche une querelle byzantine à propos de la grammaire.

Suzanne a dit…

Une querelle byzantine ?

Voilà le genre de réaction qui conclut en général un échange: on s'intéresse à la forme, et on ne dit rien du fond, etc.
à quoi bon, finalement, signaler une erreur, pour rendre service, pas du tout, mais alors pas du tout pour se faire valoir (moi je sais, na na na) ou pour railler celui qui la commet?
On se fait passer pour un cuistre et puis c'est tout.

gilles a dit…

Bien joué Suzanne. Non seulement je suis amputé mais me voilà en plus superfétatoire.
Au secours Dorham !
Bon, je me console quand même en apprenant que je suis en bonne compagnie. Duras, Bachelard et Gautier, excusez du peu.
J'ai eu le tort de me fier à mon oreille. Je peux l'avouer maintenant. On me les a coupées depuis longtemps. Une autre querelle byzantine. Byzance va finir ma coûter cher.
Me reste encore le nez pour humer un bon bordeaux et noyer ma déception dans un Pessac Léognan. Avec ma dernière narine, ça devrait suffire.

Duga
Ah que c'est le mur du fond dont auquel qu'il s'est fissuré ce soir

Audine a dit…

Duga super fêtatoire.

Fleur : quand on abordera le dernier paragraphe, on en sera au 500e commentaire, ici.
D'ici là, on aura recousu Duga, décidé qu'il fallait dire : les corps dont au sujet duquel je vous parle, ce sont les nôtres, et moi, j'aurai écrit une histoire de ver blanc du poireau, parce que mine de rien ça mine (voir chez Cultive).

Suzanne : non je n'y suis pas allée, promis, je le fais demain.

Suzanne a dit…

Audine avoue que cette faute (qui mériterait deux fois la guillotine) n'est qu'un appeau à commentaires. Bien. Jolie mentalité! Je sors de ce site la tête haute et l'honneur sauf, en raillant ses commentateurs jusqu'au dix-huitième lien.

(Les remarques des fautes d'un ouvrage se feront avec modestie et civilité, et la correction en sera soufferte de la mesme sorte.
(Statuts & Reglemens de l'Academie françoise du 22 février 1635, art. XXXIV). )

Suzanne a dit…

(purée, on a créé un manchot virtuel et c'est ma faute ! Gilles Duga, ne perdez pas espoir, écoutez donc Concerto pour la main gauche que Ravel composa pour Paul Wittgenstein, amputé de la Grande Guerre.)

gilles a dit…

Pas de problème, le Concerto pour la main gauche de Ravel est l'un des mes concerto préféré. Quand on va l'écouter (et le voir) en concert, il faut bien choisir sa place pour pouvoir apprécier et mesurer la performance physique que cela représente. C'est impressionnant.
Quand on a connaissance de la tragique anecdote que vous citez, on ressent mieux les différentes phases du concerto qui passent par la tristesse, l'anéantissement puis l'espoir et la détermination de surmonter cet handicap.
Je ne suis pas très connaisseur en philo, mais j'ai surtout entendu parler du frère Wittgenstein dont j'ai cru comprendre que l'oeuvre était sujette à controverses.

Duga

Dorham a dit…

Suzanne,

Mais je déteste Elvis Presley... C'est ça le pire !

Dorham a dit…

Audine,

Dans une backroom, il faut toujours dire "bonjour monsieur" avant tout commerce. C'est une règle que l'on ne respecte plus et c'est bien dommage, on va droit au but et c'est bien dommage...

Audine a dit…

Dorham : ben oui c'est bien dommage de ne pas savoir si le but est poli ou pas ...

(ceci dit, je fais la maligne, mais j'ai du chercher ce qu'est une backroom)


Suzanne : Ayé, j'ai lu l'article.
Je note tout de même avec satisfaction, que Marguerite Duras, qui n'est pas la dernière des neuneus en matière de littérature, a écrit :
"C’est toujours des yeux de Nicolas dont je me souviens (Duras, Vie tranquille, [coll. Folio], p. 137)"

Maintenant, vous pouvez me répliquer que je fais moins de tirages qu'elle.
C'est la pure vérité.

Didier Goux a dit…

La Duras, maintenant ! Ah, ils sont beaux, vos soutiens littéraires, tiens !

Didier Goux a dit…

D'autre part, ce n'est pas parce que Marcel Proust, une fois, dans La Recherche, a employé le verbe "achalander" en lieu et place de "approvisionner" que les deux sont immédiatement devenus synonymes...

Audine a dit…

tssssss tssssssss vous êtes jaloux Didier, c'tout !

Didier Goux a dit…

Jaloux de la grosse Marguerite ? De ses droits d'auteur peut-être, pour le reste...

Audine a dit…

Oui enfin vous n'auriez jamais pensé vous à dire ça des yeux de Nicolas.

Didier Goux a dit…

Les yeux de Nicolas ? Quels yeux ? quel Nicolas ?

J'ai dû rater une marche, là...

Audine a dit…

C'est pas grave : grâce à vous, je crois que je n'oublierai jamais la bonne tournure grammaticale !

Suzanne a dit…

60 commentaires, et sans parler de burqa! Respect!

Je soupire et me retiens de ferrailler avec les Durassophobes qui fréquentent ce blog grammairophobe.

mtislav a dit…

C'est une chose dont je suis fier, j'ai pensé à Florence Aubenas en lisant ton texte. La querelle sur la langue n'est guère déplacée. Entre le corps et les mots, il y a la langue. Sur le "dont", il équivaut à un pronom relatif précédé de la préposition de Pour ceux qui confondraient comme Suzanne dans son commentaire du 1er avril à 20 h 36 "préposition" et "proposition", rappelons qu'une préposition n'est pas un préliminaire d'une position de kamasutra mais le petit "de" dans le chat de la voisine. La préposition est donc susceptible d'introduire un complément du nom. C'est de nos corps... 0n peut utiliser ce "dont" en le remplaçant par "de que" à condition que le relatif (le "que" du "de que"...) ne soit pas complément d'un nom lui-même précédé d'une préposition. Et je suis tout aussi affirmatif dans ce que j'avance que n'importe lequel des bras cassés qui ont participé à cette discussion. Je tiens à préciser que l'une de mes sources se trouve être le Riegel (Grammaire méthodique du français) que connaissent tous ceux qui ont en ont entendu parler.

Audine a dit…

Moi j'ai déjà expliqué pourquoi j'aime les interventions de Mtislav.

Alors je ne vais pas recommencer.

Suzanne a dit…

Mtislav: je n'ai rien confondu dans ce commentaire, pour la bonne raison que j'ai copié collé le forum des lettres française, précisément à l'endroit que je donne en lien.

J'ai d'abord dit quelle forme me semblait la plus, je ne sais pas comment dire, normale, habituelle, agréable à la lecture. Ensuite, j'ai vérifié, je n'ai rien inventé, j'ai cherché sur les forums de langue jusqu'à ce que je trouve un exemple qui se rapproche le plus de celui employé par Audine. Si les grammaires ne sont pas d'accord, après tout, on n'en mourra pas. Je ne peux pas être entraînée dans une querelle de grammairiens, pour la bonne raison que je ne suis pas professeur, que je n'ai pas fait d'études, et que je n'ai donc aucune connaissance étayée là-dessus, je ne me risquerai donc pas à contredire un spécialiste certain de ce qu'il avance. (Jamais entendu parler, pour ma part, du Riegel.)Je vous suggère, pour le bien de tous et l'édification des ignorants, d'aller apporter la bonne parole sur le forum de langue que je cite en lien.
(purée, vaut mieux ne rien dire jamais, jamais, après tout qu'est-ce que ça peut faire...)

gilles a dit…

Déjà amputé et maintenant "bras cassé".
Plus quelques appréciations bien senties.
Une grande "tolérance" s'est dégagée de cette discussion également qualifiée de byzantine.
Oh grandes esprits, pardonnez mes errances.

Duga

Suzanne a dit…

Gilles Duga: ainsi, nous sommes dans le même panier, mais ne vous en faites pas. Les mains coupées pour pari perdu quant à la grammaire française repoussent... jusqu'à la prochaine faute, et nous avons bien discuté, non ?