dimanche 21 mars 2010

Vélos et voisins




(pastel réalisé il y a 5 ans environ)




J'avais mis mon vélo sur le dos, pour remettre la roue dont j'avais fait changer la chambre à air.
Évidemment, il fallait de nouveau régler les freins.
Freins qui frottent, efforts inutiles.
J'avais la bonne clef six pans.
Il est arrivé, en ahanant, sur un vélo tellement petit que ses genoux lui arrivaient sous le menton.
Je lui ai donné dix ou onze ans.
Il a fait semblant de ne pas me voir, en passant devant mon garage où j'étais installée, avec une cuvette, une éponge, et une bombe de graisse pour les engrenages.
J'étais optimiste, il me restait juste à laver et graisser, je me disais.
Je lui ai jeté un œil en coin, il a continuer à faire le tour de l'espace vert.
Quand il est revenu, il avait un superbe vélo et un casque vaguement posé sur la tête, genre vététiste vétéran.
Je lui ai lancé, narquoise, ah tu as changé de vélo !
Du coup, il s'est arrêté.
Il m'a dit que oui, l'autre était vraiment trop petit, avec un sourire indulgent pour le fait que je n'avais pas remarqué ce détail.
Je continue d'essayer de régler la mâchoire des freins.
Si je desserre trop, la poignée est trop lâche, si je serre normal, ça frotte.
Je commence à me dire que ces vélos, c'est de la mauvaise qualité.
Il s'approche et me dit, toi aussi tu fais du vélo.
Oui je lui réponds, enfin, quand je n'ai pas de problème de réglage de freins.
Il me demande ce qu'ils ont, je lui explique.
Il me demande pourquoi il y a une cuvette.
Je lui dis que je lave et je graisse.
Il voit la bombe et me dit, ah c'est bien la graisse en bombe.
Je lui demande d'où vient son vélo. Il me dit que c'est un Bmx, offert par son oncle qui le laissait rouiller dehors. Pour faire des figures, il me précise.
Je lui dis ah oui je sais, et tu en fais ? Il prend un air modeste et me dit naaan.
Je lui conseille d'aller dans un club, alors, et il me dit qu'il va dans celui de son père.

Il repart faire un tour et le revoilà.
Alors, tu n'y arrives pas il me demande.
Je dis non et ça m'agace.
Il me dit attend je vais chercher de l'aide et il revient en me disant, mon père il ne veut pas venir.
Je lui dis c'est normal, ne va pas le déranger !
Il repart, revient, et me dit si tu y vas il va regarder.
Je remets le vélo sur le ventre, et me dirige vers un garage de l'autre coté de l'espace vert, ma clef six pans à la main.
Son père se penche sur le problème, pendant que son fils sort une patinette électrique de leur garage et entreprend de m'expliquer comment ça marche.
Le père me dit qu'il faudrait graisser le ressort des mâchoires, en lavant le vélo au karcher avant.
Par exemple pas très loin, là où on lave les voitures à Carrefour.
Il arrive à régler les freins, puis part un peu avec le vélo pour le tester.
Son fils m'explique les patinettes qu'il a eues.
Le père revient, je n'ai plus qu'à emmener mon vélo à Carrefour.

Je les remercie chaleureusement.
Après avoir rentré le vélo dans mon garage, je vois le fils au loin, assis, appuyé contre le garage voisin au leur.
Je lève le bras et lui fais un grand signe d'au revoir.
Il me répond silencieusement.

J'irais à Carrefour mardi, c'est grève.

8 commentaires:

Suzanne a dit…

Encore grève...

Je trouve que ça devrait rentrer dans un discours sur les avantages de la contraception: jusqu'à deux ans, les mômes c'est très chiant. Et après, quand ils ont l'âge de l'école, ben il y a des grèves.

Dorham a dit…

J'aime bien le coté un peu ours mais pas trop de tes voisins. La vie, c'est parfois simple tout de même.

Et Vive le droit de grève, quoi !

Audine a dit…

Suzanne : heuu vous avez des raccourcis audacieux - que je ne comprends pas bien.
Moi je dirais qu'un enfant c'est d'abord notre part animale - ça peut durer bien bien au delà de 2 ans d'ailleurs ... - et qu'ensuite, ça peut être magique ou quotidien, ou, quelques fois, oui, chiant (surtout ceux des autres que l'on trouve mal élevés) (ou quand ils se caricaturent âge ingrat).
Quant à la grève, elle est pour défendre notre (votre) système de retraite et pour protester contre la casse du service public (je sais ça fait mot d'ordre, mais oui, là, la casse ...).

Dorham : au dépouillement, où je suis allée hier soir, il y avait 2 voisins de mon entrée d'immeuble (sur 15 appartements). Sur le chemin du retour, avec un d'eux, on a discuté du disjoncteur du portail.
En l'occurrence, ce gamin que je trouve très attachant, a été plus que secourable ! Moi je suis contente, j'ai un nouveau copain dans la résidence (même qu'il fait du Bmx).

Suzanne a dit…

Audine: moui. La part animale... Dommage qu'on ne puisse pas les manger. Ce qui résoudrait beaucoup de problèmes pour l'humanité.

mtislav a dit…

Ca se lit avec intérêt. Et ça finit bien !

Audine a dit…

Suzanne : vous dites ça parce que vous êtes pas mal enGouxisée ...

Mtislav : oui, sur une belle journée ensoleillée !

Suzanne a dit…

Audine, enGouxisée ? Ah, laissons ce faux pédophobe , et regardez ça: "S’il vous arrive de laisser tomber l’enfant, et de l’estropier, ayez soin de ne pas l’avouer ; et s’il meurt, tout est sauvé." (Swift, Instructions aux domestiques)

Et je ne médisais pas de votre petit héros, mais conseillais aux parents de bien réfléchir. Avec toutes ces grèves d'instituteurs, il faut réfléchir à deux fois, l'école ne nous en débarrasse même plus.

Balmeyer a dit…

J'aime bien ce texte. On dirait un haïku, mais en plus long. Si tu vois ce que je veux dire.

J'aime bien aussi l'expression "c'est grève". Ca sonne comme "il pleut", il y a un côté zen, un peu un anti-"ces usagers pris en otage" qui est très paisible.