lundi 5 septembre 2011

Le ciel ce matin n'est ni rose ni honnête pour la peine


La grande cote qui accoste la rive du Lez me fait mettre pied à terre. L'idée est de se faire un peu mal mais sans masochisme.

J'enfourche et d'un seul coup, il est là, et il me déclare, en me jetant un œil appréciateur vertical, c'est charmant tout ça.

Je dis merci, bêtement polie. Mais aussi rigolarde, le front luisant, la nuque collée, le teeshirt avachi sur les kilos en trop, les yeux cachés derrière les lunettes.

Il me scotche.

Il me demande c'est bien ces vélos, et me fait remarquer que le sien n'a pas de vitesse. Je ne savais même pas que ça existait.

J'ai droit à la biographie. Une histoire de logement que je n'écoute pas, il est vigile chez Métro.

Il veut qu'on se revoit.

Je lui file un numéro de téléphone, il est content, il le rentre dans son téléphone, avec des doigts qui sortent de mitaines sportives.

Il me demande si je vais tout droit en me désignant les bords du Lez. Je dis oui alors il me dit je vous attends après les graviers, je n'aime pas les graviers avec ce vélo, ça me fait peur.

Je ne comprends pas bien.

Et pour me montrer sa virilité de vigile, il donne de grands coups de pédale sur son vélo sans vitesse et rapetisse devant moi.

Je coupe le terrain vague et rentre par un autre chemin.


Quelques jours après, sur le retour d'une autre balade, je le croise, sur le passage des graviers. Il marche dignement à coté de son vélo. Il me reconnaît et il crie non mais attendez attendez et moi je roule en le laissant derrière, je sais qu'il ne va pas me suivre, il y a des graviers.

Sous la douche, je ricane.

Mais demain c'est lundi.


Jour qui pointe, radio, rentrée, chats qui vieillissent.

Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent.

J'ai un nouveau poste mais je ne peux pas le prendre. J'attends une secrétaire, un arrêté préfectoral de nomination, un téléphone portable et une boite mail dédiée.


6 commentaires:

Dorham a dit…

Bon, fais gaffe quand même, va pas te retrouver dans les pages faits divers du Midi Libre...

T'as un fond de cruauté en fait...

(bon courage pour ton nouveau poste ; il en faut apparemment)

Audine a dit…

OUI d'ailleurs, je voulais entamer une série "chroniques âpres" mais j'hésite avec "chroniques un peu cruelles" ...

(surtout que ma-nouvelle-mission-que-je-l'accepte-ou-pas, c'est le contrôle de l'opérateur devenu privé qui est chargé de trouver du travail aux chomeurs, enfin, de surveiller qu'ils en cherchent plutôt, ET de celui qui est devenu privé, qui est chargé de mettre des trucs dans ta boite aux lettres ...)

Suzanne a dit…

Audine, et qui vous surveille, hein ?
Âpres chroniques, c'est bien.

Sinon, comme Dorham. Je ne le sens pas trop, votre pote cycliste qui n'aime pas les graviers.

Audine a dit…

En fait, pas grand monde, on se demande de quoi je me plains !

Le vigile de Métro me semble facile à semer.
Au pire, je le pousse dans le Lez.

Suzanne a dit…

Un vigile, ça ne doit pas pratiquer un sport de combat ? savoir comment, juste en appuyant sur la jugulaire, on envoie dans les pommes un type deux fois plus gros que soi?
(Et si vous essayiez la moto, plutôt ?)

mtislav a dit…

Dans le pire des cas, ton magnétophone part en fumée.

"Chroniques un peu cruelles" me plaît bien.